Découpage régional au Maroc : Quels rectificatifs à apporter ?
Le découpage régional du Maroc a toujours suscité de vives discussions entre les différents acteurs intéressés (administration du ministère de l’Intérieur, élus locaux et régionaux, parlementaires, société civile, géographes et professeurs du droit administratif et constitutionnel etc…)
La commission désignée par S.M. Le Roi pour faire des propositions sur un nouveau découpage qui prenne en compte toutes les spécifiés de chaque région (économie, superficie, population, diversité culturelle et historique, viabilité et autres) a rendu sa copie élaborée compte tenu des directives royales. Parmi les principales propositions, figure en premier rang, le découpage du Maroc en douze régions, dont la presse a largement diffusé les détails. Mais jusqu’à présent, aucune communication de la part de la commission consultative, à notre connaissance n’est venue expliquer ni la méthodologie du travail accompli, ni les bases sur lesquelles elle s’est appuyée, pour parvenir à ses résultats. D’où l’insatisfaction et l’impatience de l’opinion publique sur une question d’importance cruciale pour l’avenir des populations concernées au plus haut degré.
Hier 12 juillet 2007, la TVI al Oula, a organisé une table ronde au cours de laquelle plusieurs sujets ont été abordés par les invités dont certains sont de véritables praticiens de l’administration régionale. Il appert de ce premier contact, à la fois politique et administratif, que la question est loin d’avoir trouvé un consensus, dans la mesure où la plupart des intervenants ont appelé à une révision du projet de découpage régional, au motif que celui-ci a aurait été accompli, sans tenir compte de certains critères qui constituent la base de tout découpage régional ou local harmonieux. Certes il s’agit d’une question cruciale et périlleuse qui a toujours suscité des divergences de points de vue, chaque partie voulant être avantagée. En effet s’il y a bien un problème sur lequel bute le ministère de l’Intérieur, c’est bien cette question de découpage, qu’il soit régional,local ou électoral. Pour la simple raison que la question est nature à soulever de vieux conflits tribaux ou à mécontenter des franges déjà fragiles de la population en général et rurale en particulier. En effet si le Maroc a connu son premier découpage en sept régions économiques, au début des années 1970 et son second dans les années 1990, en 16 régions sur une base tribale et politique, il n’a pas eu la chance d’avoir fait le bon choix, même si la deuxième expérience a été consolidée par code régional assuirant aux élus quelques moyens budgétaires et des prorogatives, certes en avance, mais insuffisantes pour réussir une véritable régionalisation. C’est pour cette raison que le Souverain a tenu à définir les contours et les différents axes d’une véritable régionalisation avancée, en chargeant une commission spécialisée pour y réfléchir sérieusement, bien avant la proposition d’une nouvelle constitution, où cette matière figure maintenant en bonne place, pour avoir été constitutionnalisée pour de bon !
Etant natif de Goulmima et ancien gouverneur de la province d’Errachidia entre 1971-1972, je suis particulièrement intéressé à plus d’un titre, par le futur découpage de la région du Tafilalet et aussi de la région de Ouarzazate (provinces de Ouarzazate, Zagora et Tinghir) où j’ai exercé aussi en tant que Gouverneur de 1977 à 1983, alors qu’elle constituait une seule entité administrative. Bien plus, j’ai aussi exercé, en qualité de Gouverneur dans la province de Figuig que le projet de régionalisation rattache à la région du Tafilalet de 1974 à 1977. C’est donc à juste titre que j’en parle particulièrement ici, pour dire, en toute franchise et toute neutralité politique, que le projet de découpage de la région du Tafilalet, mérite d’être revu et corrigé, dans la mesure où il exclut la province de Midelt de cette région, car comment comprendre que les cercles de Rich et d’Imichil, puissent rejoindre la région de Beni-Mellal, au-delà du Haut Atlas à plusieurs centaines de kilomètres, alors que leur rattachement au Tafilalet constitue une rattachement naturel, qui a prévalu depuis le début de l’indépendance, quand le cercle de Midelt faisait partie intégrante de l’ancienne province de Kar es Souk (actuelle Errachidia). Si cette commission a accompli sa mission sans avoir consulté les populations à travers leurs élus ou les praticiens de l’administration territoriale dont la plupart ont quitté le ministère de l’Intérieur, pour avoir été atteints par la limite d’âge ou pour d’autres raisons, il est à craindre que ce projet de découpage puisse contenir d’autres erreurs d’appréciations, pour le découpage d’autres régions du Royaume, dont je ne peux évidemment parler, par manque ou insuffisance d’éléments de jugement.
Certes ce projet de découpage demeure un projet, tant qu’il n’a pas été avalisé d’abord par le Souverain qui en a fait la commande, ensuite par les partis politiques très intéressés par le sujet, le gouvernement et en fin de trajet par le parlement. Mais la question qui reste posée est de savoir si les futures élections se feront sur la base de ce projet ou sur l’ancien découpage, lui aussi décrié par la plupart des partenaires politiques et qui de toute façon devient caduc après l’approbation de la constitution. Enfin quoi vivra verra !
Par Mohamed BOUFOUS
Adresse du site web
www.droitmarocain.com
Le 24/08/11